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Il y a quelques temps une manifestation a été consacrée à « l’économie positive ». Ce fut   l’occasion pour de nombreuses personnalités, d’expliquer qu’il faut « passer de l’économie de la  production à une économie de l’usage ».  On entend aussi parfois l’expression « économie de partage ». Jacques Attali dit que « nous avons intérêt à être altruiste ». C’est drôle de mettre dans la même phrase « intérêt » et « altruiste ». Ce n’est donc pas naturel de partager ?

Les entreprises sont concernées par cette prise de conscience.

Beaucoup de managers et de dirigeants d’entreprise ont fait le constat de l’impérieuse nécessité de piloter performances et résultats économiques avec la logique de long terme, plutôt que de les opposer.

C’est une nécessité pour ne pas accélérer les phénomènes de destruction de valeur et donc à terme de difficulté pour l’entreprise, induits par exemple par des prix sous évalués pour gagner un marché, par des impasses sur des programmes de maintenance, ou par de l’appel à sous-traitance ou à l’intérim plutôt que de renouveler les compétences sur le cœur de métier etc ….

La crise amplifie l’impact de ces pratiques de court terme. Elle n’est pas pardonnante pour les entreprises qui y ont eu recours depuis longtemps, ou pour les entreprises fragiles, amenées à sacrifier leurs bases dans l’espoir de s’en sortir.

Garder le cap du long terme avec des résultats de court terme ne peut se faire que dans un engagement collectif pour les mêmes objectifs, pour redéfinir des fonctionnements et des interactions basés sur des valeurs communes et des pratiques transparentes.

En cela, la prise de conscience exprimée est intéressante et pas suffisante. C’est une impulsion… à  démultiplier, notamment dans les administrations et auprès du législateur pour aller vers un allègement des réglementations, et une cohérence d’ensemble qui donne aux chefs d’entreprises et aux « porteurs de projets » innovants les marges de manoeuvre indispensables pour être innovants et créateurs d’activité et d’emplois.

Le « co », la révolution du partage

Un autre phénomène « la révolution du partage », selon le titre d’un article du Monde du 24 septembre 2013, arrive dans les entreprises. C’est une évolution culturelle forte poussée par l’intrusion des réseaux sociaux, par des partages en temps réel rendus possibles par internet, par la génération Y et pas seulement elle… par l’accélération de la circulation de l’information.

Au bout de plusieurs années de crise sans issue visible, il est important de saluer l’émergence de cette conscience qui peut donner de l’espoir et de l’énergie pour repousser les tendances individualistes et sectaires de plus en plus présentes.

Pour l’entreprise traditionnelle, il s’agit de passer d’un management modèle militaire, très vertical et cloisonné, à un management basé sur la transversalité et la coopération. Le système ancien ne résiste pas à l’intrusion des réseaux sociaux. Les codes antérieurs sont explosés.La légitimité du manager ne passe donc plus par la détention de l’information. Elle n’est pas non plus liée à son rang hiérarchique. Elle passe par sa capacité à créer les conditions de la coopération et du partage pour réussir.

Le management par la terreur est obsolète si tant est qu’il ait été reconnu comme efficace. Il a été et est surtout le fait de managers exécutants, faibles et peu sûrs d’eux. Et peu courageux !

Les salariés sont reliés les uns aux autres en permanence.  Tout comme les clients devenus aujourd’hui beaucoup plus exigeants et qui attendent de leur interlocuteur un plus par rapport à ce qu’ils ont appris sur le net, et dans leurs échanges multiples avant de faire un achat, d’engager un projet, etc… les codes changent partout et pour tous.

La transversalité : un partage qui rend intelligent et efficace

Pour être dans le bon tempo, nous avons engagé à GrDF dès 2010 un travail collectif avec quelque 400 managers  pour redéfinir un mode de fonctionnement adapté. Objectif clairement partagé : « penser client » dans chaque métier, continuer à gagner en sécurité. Et cela en anticipant sur une évolution majeure voulue par ERDF  qui nous priverait rapidement de la compétence et du savoir faire des équipes « mixtes », travaillant indifféremment pour le gaz naturel et pour l’électricité.

Il nous fallait changer d’organisation, de mode de fonctionnement pour occuper le même espace territorial, et consolider dans la durée le haut niveau de confiance que nous accordaient les collectivités territoriales. Tout cela dans une économie de moyens et de ressources rigoureusement pilotée. Un vrai challenge !

C’est ainsi que nous avons commencé par déterminer les responsabilités des dirigeants selon leur activité : industrielle et sécurité pour les hommes du réseau, développement du chiffre d’affaires dans la durée pour les hommes des territoires et du développement.  Deux responsables amenés à travailler ensemble en permanence, pour créer la meilleure intelligence des situations et des solutions à mettre en oeuvre.

C’est dire que le fonctionnement en « baronnies », chacun chez soi, a fait long feu.  Et que pour mettre en place ce nouveau management, et le changement culturel qu’il induit, il faut une équipe de direction à la tête de l’Entreprise qui porte ce changement et le vit au quotidien.

La coopération pour créer du plaisir et de la solidarité au sien de l’Entreprise

Favoriser le partage, la coopération et la transversalité. Cela ne se décrète pas. Il faut changer des « pratiques ancestrales » : en matière de définition des objectifs annuels et d’évaluation des résultats annuels, que ce soit pour le salarié comme pour l’équipe, en matière de contrôles pour en faire des outils d’aide à la coopération pour atteindre le résultat recherché. Favoriser le retour d’expérience. Etre un manager capable de demander à un collègue « comment puis-je t’aider »…

Cette évolution, nous l’avons travaillée/préparée en 2011 et 2012 à GrDF. Nous l’avons décidée en 2012, après un long processus de réflexion stratégique partagé au sein de l’entreprise, et une concertation soutenue avec les représentants du personnel, tout au long des travaux.

Le projet qui est sorti de ce processus collaboratif s’appelle « Avec vous, en réseau ». Le ton est donné et cela avec… plaisir.

Je me réjouis de voir ce mot apparaître maintenant dans le vocabulaire des chefs d’entreprise. Lorsque ce mot « plaisir » a été retenu en 2007 comme l’une des quatre valeurs de GrDF, cela a fait l’objet parfois de sourire et souvent d’incompréhension.

J’ai pu mesurer en 2012 que cette valeur, du plaisir à travailler et du travail bien fait, était reconnue. Personne n’a voulu la changer !

Laurence Hézard