J’ai récemment été amenée à aider des personnes qui subissaient une forme de  harcèlement dans une entreprise. Lorsque ces situations sont dévoilées, elles sont souvent mal analysées voire niées. Par manque de courage et par peur, les dirigeants les  négligent  et se rendent ainsi complices du harceleur.

Je me suis souvent heurtée à des attitudes moqueuses ou de repli de mes collègues masculins dans les différents COMEX que j’ai présidés ou auxquels j’ai participé, lorsque nous étions amenés à évoquer ces sujets. Il est vrai que j’étais la plupart du temps la seule femme et que l’époque était au « management viril ». Autre temps, autres moeurs ?

Ne pas se laisser impressionner pas ces réactions et traiter avec détermination ces problèmes…il n’y pas d’autre possibilité.

Lorsqu’une ligne blanche est franchie sans sanction, elle sera franchie encore et encore

C’est pourtant facile de comprendre que s’il n’y a pas de sanction lorsqu’un règlement n’est pas respecté, qu’une règle est bafouée….tout le monde se sent alors autorisé à ne pas les respecter. Cette réalité se vérifie dans de multiples occasions de la vie, en commençant dans l’éducation des enfants, en passant par le comportement des automobilistes  etc …

Dans une entreprise, c’est exactement la même chose. Pourtant lorsqu’il s’agit de comportements ou de dysfonctionnements provoquant des difficultés pouvant se traduire par de la souffrance, des burn out, ….il y a un profond malaise pour les dirigeants à en parler et à chercher à comprendre comment les prévenir.

Est-ce la peur de l’émotion, de l’humain ? est-ce une difficulté à se remettre en question ? Certes, la plupart des dirigeants sont démunis par rapport à ces failles dans les comportements. Ils n’ont pas appris dans leurs études ni dans leur « développement personnel », à les traiter.

Et pourtant lorsque des « franchissements de lignes blanches », tels que des situations de harcèlement, des suicides, ne sont pas traités avec lucidité et pertinence, alors l’inconscient collectif l’interprète comme « c’est possible ». Comme une autorisation tacite du système managérial. Elles se reproduiront inéluctablement.

Cette loi est vérifiable dans nombre de situations. Je l’ai pour ma part vécu à l’occasion d’une vague de suicides (ou tentatives) dans une région.

Ecouter les signaux faibles et/ou les « lanceurs d’alerte », avec justesse et justice 

Certes il faut un peu de courage pour oser parler de cela, pour écouter et réfléchir à la façon de dénoncer les dysfonctionnements. Surtout lorsqu’on est dirigeant dans une entreprise qui elle-même est filiale d’un groupe et que la carrière de ce dirigeant dépend des dirigeants du groupe en question.

Et pourtant, il n’y a pas d’autre choix possible que celui de traiter au fond le dysfonctionnement en faisant un diagnostic rigoureux, en prenant les décisions adaptées, même dérangeantes. Quitte à se remettre en question et à remettre en question des pratiques collectives dont les effets sur les équipes opérationnelles sont insupportables et/ou source de dysfonctionnements : multiplication des notes réglementaires (« le prescrit »), décisions contradictoires et inapplicables, contrôles et reportings foisonnants et déresponsabilisants, by pass des managers de proximité .. Ainsi je me souviens bien de cette réunion avec mes homologues et le directeur de l’entreprise dans laquelle j’étais, lors d’une vague de suicides. Nous devions chacun exprimer notre ressenti sur ce qui pouvait être fait pour éviter une autre situation dramatique….j’ai dit « je dirai NON « . Cette petite phrase a provoqué une réaction du Directeur de l’époque : « tu ne peux pas dire « non » à la réglementation !. « . No comment.

Depuis, j’ai osé dire »non » souvent. J’ai aussi créé les conditions pour que les managers se sentent autorisés à exprimer leur avis avant qu’une décision ne soit prise, qu’ils osent dire leur doute ou faire une suggestion pour l’améliorer.

C’est un travail sans relâche pour un dirigeant de veiller à l’impact des décisions qu’il prend.

De la lucidité, du courage et de l’empathie

Si les situations de harcèlement ne sont pas traitées avec détermination et justesse, avec des « sanctions » adaptées aux faits et selon des modalités adéquates,  le management de l’entreprise fait une faute lourde. Il  rend possible et acceptable le fait de harceler particulièrement lorsque la  solution test de déplacer le « harceler » à une responsabilité supérieure…. Le franchissement des règles de vie en équipe sont bafouées avec l’accord de ceux qui ont la responsabilité de les faire respecter.

Dans ce dernier cas, les situations de harcèlement se sont multipliées dans le collectif. Et le management est évidemment en grande difficulté pour mettre en place un dispositif adapté, pour protéger les personnes qui subissent ces comportements destructeurs et prendre les décisions pour éviter que cela ne se reproduise.

Pourtant c’est sa responsabilité.