Créé d’abord pour accompagner une réflexion menée avec quelques dirigeants,  « Le désir de penser et la liberté d’être » est aujourd’hui  mon blog personnel.  J’y écris sur les thèmes et les convictions acquises au cours de mon parcours de dirigeante (le management, la gestion du risque industriel, la transformation, l’énergie, la relation entre les personnes notamment dans l’entreprise….). J’y partage des étonnements et des réactions sur l’actualité et les débats de société. J’y exprime mon avis sur des  films, des livres, les expos…..Les champs s’élargissent au fur et à mesure que j’avance dans mon nouvel espace de liberté.

Transmettre et partager le goût de l’entreprise et du management 

A l’occasion d’échanges récents avec un groupe d’étudiants de Centrale-Supelec, de l’Essec et de Strate dans le cadre d’un module de formation sur le management, j’ai pris plaisir à parler de mon métier de dirigeante. Le premier constat est que ce métier est bien peu attractif pour les étudiants.  Le monde de l’entreprise leur est complètement inconnu. Ils sont en majorité attirés  par l’univers du numérique dans lequel ils sont nés.

Comment les intéresser à la gestion des paradoxes et des enjeux contradictoires ? comment leur montrer l’intérêt d’un métier dans lequel « autant d’interlocuteurs, autant de points de vue, autant d’attentes » ? Comment leur donner envie de réfléchir à l’importance d’avoir des valeurs et des repères, de savoir identifier les priorités, d’être cohérent entre paroles et actions ? Comment rendre concrets ces sujets bien vagues pour eux à la différence du numérique qui est leur quotidien ? comment les amener à comprendre que performances économiques et prise en compte de l’humain sont compatibles et indispensables pour réussir dans la durée ?

A ces questions, je n’ai pas de réponse autre que celle de l’accompagnement de leurs projets. Partir de leurs centres d’intérêt et de leur vision. L’inverse du modèle d’enseignement traditionnel.

Le management ne s’apprend pas dans les livres

Ma conviction est que le management et le métier de dirigeant ne s’apprennent ni dans les livres ni sur les bancs de l’école. C’est la conjonction entre une personnalité, un projet, une entreprise et un chemin qui n’est pas toujours droit ni logique. Rares sont celles et ceux qui ont une vocation dès le plus jeune âge : « je serai dirigeant ! ». En tout cas, je n’avais pas imaginé que ce serait mon métier. Et cela jusqu’à ce que je sois nommée dans une responsabilité managériale. Même si j’avais rapidement identifié que c’était plus intéressant d’être en situation de prendre des décisions que de subir des décisions incompréhensibles et/ou mal calées !

D’autant que mes études littéraires et ma passion pour le grec ancien, le latin et la linguistique ne me mettaient pas en haut des listes des candidats à ce genre de responsabilité. Par contre, ces connaissances jugées par beaucoup comme « inutiles », m’ont donné une culture, des références et une approche décalées dans le milieu très technique (et très masculin) dans lequel j’ai évolué. C’était ma différence. Ce décalage est, je crois, un élément que les Présidents et directeurs qui m’ont fait confiance, ont jugé intéressant pour contribuer à l’évolution de la culture interne et à la mise en oeuvre du changement au sein de leur groupe.

La confiance et nos valeurs partagées ont rendu ce pari possible.

Partage, transmission, porosité

J’aime voir comment les valeurs qui m’ont animée pendant toutes ces années, et que j’ai partagées avec les équipes dont j’ai été responsable, sont aujourd’hui intégrées et portées par quelques uns. Comment les réflexions sur le management et la relation entre les humains dans l’entreprise sont mises en oeuvre par les jeunes managers. Les réseaux sociaux sont un lieu de partage extraordinaire pour cela. Ils me permettent de garder le lien avec eux.

Apprendre à chacun à identifier ses marges de manoeuvre et à occuper son espace complètement.  A avoir une vision dans le temps, des enjeux et des priorités de son activité et des modes de managements adaptés pour conduire les différentes évolutions. Savoir conjuguer logique, rationalité, pragmatisme et émotion, plaisir et « humanité ».  Autant de sujets d’enseignement pour nourrir les travaux proposés dans les cursus universitaires et les grandes écoles.

L’adage dit que l’expérience ne se transmet pas. Je préfère imaginer une fluidité de références, une sorte de porosité entre ceux ceux qui apprennent, qui se forment, ceux qui travaillent et ceux qui prennent du recul. L’histoire des conflits de générations entre les X, Y, Z etc…est  obsolète et éloignée de la réalité. Tout aujourd’hui est circulation et partage.

Tout est transformation en continu.

Les « valeurs » ou les repères partagés sont le lien au sein de chaque groupe d’humains

Il existe des débats sans fin sur ce qu’est une « valeur ». Ainsi dans le métier de gazier, il est apparu important en créant GrDF en 2007 de retenir le mot « sécurité ». Est-ce une valeur ? question sans intérêt sauf pour les amateurs de dialectique. C’est un repère identitaire de métier qui était perdu de vue depuis de nombreuses années….il était temps de lui redonner toute sa place après la série d’accidents qui s’enchainaient comme une fatalité. D’en faire la lumière qui éclaire toute l’entreprise ainsi que ses parties prenantes.

Dans un métier à risque, tous les signes sont importants. Les débats sur « productivité » versus « sécurité » ont alimenté des générations et des générations de dirigeants…..pour aboutir à une perte de repères telle qu’il aura fallu plusieurs années pour les remettre en place, et construire un raisonnement chez les dirigeants qui intègre le risque, la sécurité et des choix stratégiques et économiques cohérents. Et surtout pour redonner confiance aux salariés dans la volonté collective de respecter les règles de base de leur métier de gazier.

Et donc donner confiance aux clients qui font le choix du gaz !

Etre soi  

Deux mots simples, pour ce qui prend une vie. C’est un chemin individuel, un chemin dans le temps.

La cohérence de l’individu entre ce qu’il est intimement et son rôle social, cette cohérence profonde, cet équilibre donnent la force intérieure qui nourrit son engagement,  l’aident à traverser les vents contraires et le guident dans son parcours et dans ses choix.

Les étudiants de Centrale-Supelec, de Strate et de l’Essec ont identifié dans leur travaux, l’importance de l’authenticité. Ils ont vécu l’expérience de rencontres avec des dirigeants, et à cette occasion ont ressenti ceux qui n’étaient pas « authentiques ». Ils ont aussi fait le constat qu’eux-mêmes avaient manqué d’authenticité dans ces rencontres …. comme inconsciemment contaminés par le « politiquement/socialement correct » au détriment d’une expression spontanée.   C’est un bon début  ?

Apprendre à raisonner, à penser et à être …. c’est l’exemple que devraient donner ceux qui ont des responsabilités.