La qualité du processus de prise de décision est un sujet récurrent dans la vie des entreprises. Aujourd’hui, cette question se pose aussi dans la vie publique, à chaque niveau représentation, de «la France d’en haut à celle d’en bas ». Depuis plusieurs mois, nous assistons à une nouvelle pratique consistant à lancer un ballon d’essai, à attendre de voir les retombées et à tourner casaque éventuellement, le plus souvent. Ce qui ressemble assez à ce que j’ai rencontré parfois dans les entreprises que j’ai pratiquées. Nous utilisions avec dépit, une formule pour caractériser certaine situation : « toute décision est une base de négociation ».
Quel constat d’impuissance !
La légitimité et l’autorité du décideur fragilisées
Cette dérive constatée fragilise la légitimité de celui qui est en charge de décider et se traduit aussi par une perte de repères pour tous et à commencer par ceux qui sont en charge de la mise en oeuvre. Elle ne crée en aucun cas, une vision partagée du problème ou de la question à traiter. Elle ouvre le champ à toutes les interprétations et à la loi du plus fort, puisque personne ne connaît le sens, le « pourquoi » à partir desquels les débats et les échanges pourraient se faire, comme autour d’une colonne vertébrale de raisonnement.
Une entreprise qui connait cette dérive, est en danger : le pouvoir n’est plus assuré par ceux qui en ont la responsabilité. Celui qui parle le plus fort, le prend. Confusion des rôles et des responsabilités, crise de confiance. Un rapport de force se met en place, qui peut aller jusqu’à créer un climat conflictuel, et jusqu’à des « franchissements de lignes blanches » puisque l’autorité n’est plus respectable.
Les performances de l’Entreprise et sa capacité à s’adapter et à innover pour préparer son « évolution dans le temps », risquent alors fort d’être en panne. Elle est en danger.
Partager le « pourquoi » et co-construire, ce n’est pas du temps perdu
Prendre le temps de partager sur les orientations de long terme, de fixer ainsi le cadre de l’action pour les années à venir, c’est la première responsabilité de tout dirigeant, à la tête d’une Entreprise comme à la tête d’une instance de la vie publique, ou d’un pays.
Prendre le temps d’expliquer la situation ou le contexte dans lequel se situe le sujet traité et de rassembler les avis. Prendre le temps d’accompagner la décision une fois prise, pour s’assurer de la bonne appropriation des objectifs et du partage du sens, c’est le rôle des managers dans l’entreprise. C’est le rôle de toutes les entités de l’Etat dans un pays. Une fois le débat terminé, la décision prise, elle s’impose à tous ceux qui avaient un rôle dans sa préparation. Quel dommage que la réforme de l’organisation territoriale ait été décidée avec aussi peu de vraie concertation et de travail collectif ! C’est une belle occasion perdue, de réflexion partagée. Le fait que les dépenses en matière de dépenses publiques aient continué à augmenter en 2014, montre que les tendances historiques consistant à dépenser plus de peur de ne pas avoir autant demain, sont toujours en place. Nous ne sommes vraiment pas en ordre de marche pour aller vers une rationalisation de l’organisation territoriale, avec des rôles et responsabilités redéfinies clairement.
Où est la feuille de route dans la durée avec un système d‘évaluation des étapes à atteindre, indispensable pour avancer et ne pas être ralentis par les calculs et ambitions individuels ? Où est le projet …
Donner des repères dans le temps. Évaluer les résultats obtenus
Dans les entreprises de grandes tailles de mon secteur, la gestion des carrières se faisaient avec un pas de temps de «trois ans ». Cela signifie qu’au bout de trois années dans un poste, une nouvelle affectation est proposée. Difficile ainsi de se sentir concerné par la qualité d’une décision dont les effets seront supportés par quelqu’un d’autre. Et quelle motivation pour les salariés qui savaient bien qu’un autre arriverait etc ….
«Pour faire carrière, il faut changer de poste tous les trois ans », c’est l’une des croyances fortes qui structuraient notre culture interne. Cela a été passionnant de travailler avec les cadres de mon entreprise sur ce sujet, pour partager sur les effets néfastes de cette croyance, pour revoir les pratiques et aller vers un allongement de la durée du contrat. Ce qui se traduit aussi de façon logique, par une responsabilisation plus grande de chacun dans son rôle. J’espère que ce travail a avancé significativement.
J’imagine que le fait de vivre dans un calendrier électoral, puisse avoir des effets tout aussi négatifs et ne pas favoriser le souci de la décision pertinente dans la durée. Ce ne fut pas toujours le cas dans l’histoire de notre pays.
Remettre en place un cycle vertueux basé sur la coopération et la confiance
Changer les fonctionnements, c’est possible. Pour cela, l’impulsion vient forcément du haut. Elle repose :
– sur la conviction du dirigeant de la possibilité de changer les fonctionnements en s’inscrivant dans la durée.
– sur son engagement à expliquer et à respecter quelques règles: peu de décisions, de bonnes décisions prises au bon niveau, avec un suivi de la mise en œuvre, un contrôle de la pertinence et des résultats obtenus.
– sur la transparence pour partager un bilan et être capable de prendre une ré orientation, en expliquant pourquoi.
Cela signifie aussi de redonner ses lettres de noblesse au contrôle, qui est le terme de bouclage d’un processus de décision de qualité, basé sur la responsabilisation et la décentralisation. Je ne peux pas comprendre les réactions lorsqu’est évoquée l’idée de vérifier la bonne utilisation des fonds publics ou des systèmes d‘allocations !!
Ces quelques points concrets, sont valables partout. Ils reposent sur la conviction que le sens rassemble, et que l’engagement dans la durée crée la confiance.
Dans cet article, je dénonçais les effets d’une gestion des carrières des dirigeants basée sur un changement de responsabilité tous les trois ans. Je note aujourd’hui plusieurs cas où le pas de temps se raccourcit pour aller à deux ans, deux ans 1/2 !!!
Quel sens donner à ce mépris pour les salariés et pour les performances de l’Entreprise dans la durée ?